Noël 2008 avec SALAM à Calais

De Politis 62
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Depuis plus de six ans, chaque jour, SALAM (Soutenons Aidons Luttons Agissons pour les Migrants et les Pays en difficulté) organise la distribution alimentaire aux migrants de Calais. Bien sûr, SALAM c'est beaucoup plus que ça :

  • SALAM, ce sont des militants, anti-racistes, qui informent inlassablement la population de Calais, et au-delà, de la situation qui est faite aux migrants, des causes qui les amènent à Calais, des détresses qu'ils vivent.
  • SALAM, ce sont des hommes et des femmes qui se mobilisent contre toutes les injustices dont sont victimes les migrants, et ceux qui les soutiennent.

Un seul exemple

Le 8 novembre 2008, SALAM se mobilise pour empêcher les CRS (accompagnés par un hélicoptère) d'embarquer les migrants d'origine afghane, et de les mettre dans le vol prévu pour Kaboul quelques jours plus tard, les envoyant à une mort certaine. Finalement le vol sera annulé.

Le 8 novembre, donc, SALAM est dans les bois, pour s'interposer entre les CRS et les migrants. Jean-Claude Lenoir, l'un des dirigeants fondateurs de SALAM est en première ligne. Il tente de discuter avec les policiers, quand un groupe de CRS l'entourent, le mettent torse-nu, le menottent et le traînent sur une dizaine de mètres. La raison : outrage à agent. Jean-Claude est embarqué, garde à vue, et convocation au TGI de Boulogne sur mer le 25 février. De par ses activités militantes, ce ne sont pas les premiers démélés de Jean-Claude avec la justice. Il risque maintenant un mois de prison ferme : Février 2009 : avec Jean-Claude Lenoir

L'activité de SALAM c'est donc aussi cette défense pied à pied, sur le terrain, des droits des migrants.

Les distributions alimentaires

Elles constituent le quotidien de l'activité de SALAM :

  • L'après-midi : préparation des repas (des centaines de repas !), équilibrés, bien préparés. La consigne donnée aux personnes qui préparent : on fait comme si c'était pour soi. Il s'agit de repas chauds.
  • Le soir : distribution des repas. C'est un moment qui met directement en relation les militants de SALAM, les bénévoles, avec les migrants. C'est donc un moment important, qui permet de bons contacts. C'est aussi un moment qui peut être difficile : il s'agit d'organiser la distribution de centaines de repas, à des hommes et des femmes, parfois des très jeunes, qui sont fatigués, énervés, parfois malades, mal vétus, mal chaussés. Très souvent ce sera leur seul repas de la journée (une deuxième association commence à s'organiser pour une confection de repas froids le midi). Il y a parfois des tensions, notamment quand les militants et les bénévoles sont trop peu nombreux.

Nous sommes quelques un(e)s à avoir choisi de passer la semaine de Noël 2008 avec SALAM. En plus de notre petit groupe, il y avait des adhérents de l'association Solidarités Jeunesse. Ce sont notamment eux qui ont aménagé la cave de SALAM, pour l'équiper en étagères de rangement pour les vêtements, les chaussures, les duvets... à destination des migrants. Il y avait également un militant de RESF. Chaque après-midi, une équipe différente assure la préparation des repas. Le jour de Noël, par exemple, nous avons ainsi travaillé avec la dynamique Suzanne et son groupe, venus de Boulogne et membres du Secours catholique.

Les migrants à Calais

L'action de SALAM, l'action avec SALAM, permet de se poser un certain nombre de questions, et de tenter d'y répondre :

  1. La politique de Sarkozy et Hortefeux, en matière d'immigration, est un échec complet : les migrants sont là, toujours là, en plus grand nombre. Le soir de Noël, ce sont plus de 700 repas que nous avons distribués. En détruisant le centre de la Croix Rouge de Sangatte, en 2002, l'objectif de Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, était de faire disparaitre la question des migrants : le centre n'existe plus, donc les migrants n'existent plus. Aujourd'hui, malgré la répression, malgré les contrôles, malgré les charters, les migrants arrivent toujours à Calais. Il n'y a pas de solution du côté de la répression, des quotas, des expulsions.... Tant qu'il y aura la guerre en Afghanistan, en Erythrée, en Somalie, en Irak, tant qu'y aura la misère extrème en Côte d'Ivoire, au Vietnam... il y aura des réfugiés, des populations déplacées.
  2. Les initiatives de SALAM permettent dans une large mesure la cohabitation entre les migrants et la population calaisienne. Imaginez 700 migrants dans Calais et ses environs, en quête de nourriture, de vêtements, de soins (chaque soir, SALAM soigne les migrants, et en conduit régulièrement un ou plusieurs à l'hôpital). On peut craindre que si SALAM ne proposait pas toutes ces aides, les pillages redoubleraient, ainsi que les heurts avec la population. En ce sens, il est plus que temps de reconnaître l'action de SALAM comme une action d'utilité publique de premier plan. Il est également essentiel de prendre des mesures importantes pour inscrire l'action de SALAM (et des autres associations d'aide aux migrants) dans une action plus large des pouvoirs publics. En premier lieu de l'état, c'est évident, mais également de la part de la région, du département, de la ville. Tout se passe comme si le fait d'avoir donné des subventions aux associations permettait de se dégager du problème, et de refiler "la patate chaude" aux associations de bénévoles. Donner des subventions c'est bien (leur montant est d'ailleurs souvent dérisoire : à titre d'exemple, les 4000€ de la municipalité UMP sont une goutte d'eau face aux besoins, même comparés aux 500€ de l'ancienne municipalité PCF), mais mettre en place une véritable politique d'aide au migrants c'est mieux, et c'est le rôle des pouvoirs publics. Cela passe par une structure permanente, avec des salariés, des locaux, des permanences, une offre de soins, du matériel. Dans un tel cadre, les associations ont tout leur rôle à tenir. Aujourd'hui on en est loin : les pouvoirs publics se sont déchargés sur les associations, et se lavent les mains concernant les migrants.
  3. Les conditions de vie des migrants sont peu connues, parce que peu médiatisées. Quand on agit au côté d'une associaton telle SALAM, on se pose inévitablement des questions plus précises : comment passent-ils en Angleterre ? Quel est le rôle des passeurs ? ... On apprend assez facilement que, autour des migrants, se met en place une organisation marchande, dont ils sont les jouets. Les sommes d'argent en jeu ne sont pas négligeables... pour un résultat qui n'est pas toujours garanti, loin s'en faut : par exemple, parmi les différentes façons de passer en Angleterre, on propose au migrant de s'allonger sur l'essieu du camion. Il est arrivé que le migrant en tombe, se brisant les membres.

Et maintenant ?

  • La première décision qui vient, au retour de Calais, c'est de "remettre ça". Avec d'autres personnes. Pour deux raisons :
    • Plus il y aura de personnes impliquées, plus l'organisation sera facile.
    • Il importe de poser la question des migrants au grand jour, le plus largement possible. Le fait d'investir de nombreuses personnes, à Calais ou dans d'autres lieux où échouent les migrants, avec SALAM ou avec d'autres structures associatives, peut permettre de démultiplier les relais d'information sur ces questions.
  • L'autre décision, ce sera d'entourer Jean-Claude Lenoir, lors de son passage au TGI de Boulogne, le 25 février. Ça, on en reparlera assez vite : Février 2009 : avec Jean-Claude Lenoir