CGT Véolia eau : vivent les profits privés !
Sommaire
Il était une fois une association et un syndicat...
Nos amis de l'association eau ... secours 62 sont étonnamment touchants de naïveté. Dans leur combat pour le retour en régie publique de la gestion de l'eau sur le territoire de la CALL (36 communes autour de Lens-Liévin), ils espéraient rallier la CGT de Véolia à leur cause !
Ben oui, quoi, c'est évident :
- La CGT, c'est le syndicat de la classe ouvrière, contre le patronat,
- La CGT, c'est la lutte pied à pied contre les profits,
- La CGT, c'est le refus des salaires exhorbitants et des parachutes dorés,
- La CGT, c'est la défense du service public, à l'opposé de l'intérêt privé,
- ...
Bref, la CGT, telle que se la représentent nos amis de eau ... secours 62, c'est le syndicat sur lequel ils peuvent compter. Pour un peu, ils s'attendent à ce que les militants syndicaux fassent signer la pétition pour le retour en régie publique, à l'intérieur de l'entreprise !
Patatras... Le samedi 16 octobre il a plu sur le Pas-de-Calais, et, pour eau ... secours 62, ce fut la douche froide. Rappelons que le 16 octobre c'est une journée de manifestations contre les décisions gouvernementales concernant les retraites. Un des adhérents de eau ... secours 62 défile ainsi dans les rues de Lens. Assez rapidement, il voit fondre sur lui le délégué CGT de Véolia eau, telle une Ferrari au départ d'un grand prix. Le but de la manoeuvre : lui transmettre un tract qui, semble-t-il, est diffusé sur l'ensemble de la manif. eau ... secours 62 propose une reproduction de ce tract sur son site, avec quelques éléments d'analyse (quelques éléments d'analyse assez alambiqués, mais nous y reviendrons plus bas). Bref, c'est ici :
Nous reproduisons ce tract ci-dessous, tel que le propose le site de eau ... secours 62.
Le grand soir... sinon rien !
Que penser, donc, de l'analyse que nos amis d'eau ... secours 62 nous proposent sur leur site. Pour le dire vite, c'est un peu court, mes amis ! En effet, le seul aspect qui est détaillé est le suivant : les syndiqués de la CGT Véolia n'ont rien à craindre d'un retour en régie : ils conserveront leur statut, leur salaire, au sein de la même convention collective.
OK, pourquoi pas. Mais relisons le tract de la CGT Véolia, et tentons d'en retirer la substantifique moëlle :
- Tout d'abord, ça ne vous paraît pas étrange que le délégué CGT de Véolia eau distribue un tract contre le retour en régie publique, en pleine manif des retraites ?!!?? Au minimum, ça sent la fébrilité. Au maximum, ça peut traduire une osmose des plus suspecte avec la direction de la multinationale. Dans tous les cas, on ne peut que constater que c'est le seul tract qui n'a rien à voir avec les retraites qui est distribué durant toutes les manifs, depuis début septembre. Chacun se fera son opinion, et notamment les salariés et syndiqués de l'entreprise...
- Ensuite, lisons explicitement ce que dit ce tract : "Non au retour en régie. La CGT milite pour un service national de l'eau". C'est très clair : notre ami délégué CGT milite en faveur de la nationalisation du service de l'eau, et, en attendant, refuse le passage en régie publique ! Les patrons de Véolia se frottent les mains, et peuvent sans difficulté congratuler le camarade délégué CGT. On peut sans difficulté imaginer leur réaction : Vas-y, camarade délégué CGT, continue comme ça... Grâce à toi, le service de l'eau sera nationalisé... dans environ 100 ans ! la ficelle est un peu grosse ! Le camarade délégué CGT a 50 ans de retard : il milite encore pour le grand soir, le grand soir révolutionnaire, ou, au choix, le grand soir électoral. Et, en attendant ce grand soir, et bien on ne fait rien... les patrons applaudissent, et continuent d'engranger de fabuleux profits... payés par les usagers de l'eau.
Essayons de comprendre
Oui, c'est quand même la première des choses à faire, comprendre ce qui se passe. Qu'est-ce qui peut pousser un délégué CGT à distribuer des tracts contre le retour en régie, en pleine manif pour les retraites, au lieu de distribuer des tracts contre Woerth et Sarkozy, contre les fonds de pension, pour la diminution du temps de travail ?!!?
Ben, honnêtement, nous on n'a pas la réponse. Alors on s'est mis à chercher. On a trouvé un livre. Ce livre s'appelle L'eau des multinationales. Les vérités inavouables. On n'est pas tombé dessus par hasard : ce sont nos amis de eau ... secours 62 qui le vendent, et ils seraient bien inspirés de le lire, ça pourrait les aider à comprendre que ça dépasse sûrement la question des salaires et de la convention collective. Bon, assez de discours, voici quelques extraits de ce livre.
Chapitre huit : "L'entreprise du dialogue social"
Les extraits ci-dessous évoquent ce que l'on a pu appeler "l'ère Messier", entre 1996 et 2002, en référence à Jean-Marie Messier, président de la Générale des eaux, bientôt rebaptisée Vivendi, puis du doux nom de Véolia.
... un calme plat régnera chez Vivendi, malgré les nombreuses restructurations imposées aux salariés. pas le moindre mouvement de grève, pas la plus petite manifestation de mécontentement, ou presque... L'explication tient en grande partie à l'étonnant système de distribution de primes "exceptionnelles", d'un montant souvent exubérant, activement développé sous la houlette de Messier. Des primes "arrondissant" les fins de mois des permanents syndicaux existaient certes déjà avant son arrivée, mais force est de constater que ce système a pris sous la présidence du nouveau PDG une dimension vraiment exceptionnelle.
Certains syndicalistes parviennent même à doubler le montant de leur salaire annuel. Pour le dire en s'amusant avec les euphémismes auxquels les hommes politiques nous ont accoutumés, on peut supposer que les bénéficiaires de ces largesses n'y sont peut-être pas insensibles, et se sentent sinon redevables, du moins animés d'une ardeur antipatronale émoussée, en tous cas beaucoup plus "ouverts au dialogue".
Certains salariés s'emportent : "Les délégués ont été achetés." mais sans doute, sous le coup de la colère, leurs mots dépassent-ils leur pensée.
En 2003, l'intersyndicale (CGT, CFTC, CFDT, CGC et UNSA) éprouvait encore de singulières difficultés à critiquer Jean-Marie Messier, en dépit de ses ambitions démesurées, de ses méthodes douteuses, de sa gestion catastrophique, et de la fortune qu'il devait toucher pour son départ, alors que l'entreprise prenait l'eau de tous côtés.
À quelle contradiction, à quelle étrange influence doit-on cette aphasie ? Est-ce la même que celle qui condamne au mutisme les autres syndicats et tant d'élus ? "Le tabou qu'on craint de briser a un nom : l'argent. Trop de monde est mouillé par l'argent de l'eau", souffle un lobbyiste.
Notre grand jeu concours
Un dernier extrait de L'eau des multinationales. Les vérités inavouables :
On ne peut que regarder d'un oeil amusé le voyage en Concorde Paris-New York offert aux délégués, fin 2001, pour qu'ils puissent admirer les locaux américains de Vivendi Universal et les appartements du PDG
Notre grand jeu concours portera sur ce voyage : À votre avis, notre délégué CGT Véolia, celui qui distribue ses tracts contre le retour en régie publique, sur la manifestation à Lens, a-t-il fait partie de ce voyage en Concorde, pour aller s'extasier devant les appartements de Jean-Marie Messier ?
La réponse à ce grand jeu concours très prochainement.
Et maintenant
Et bien maintenant, nous nous adressons à nos amis d'eau ... secours 62 :
- Ouvrons les yeux !
- D'accord pour argumenter sur le fait que les salariés de Véolia ne perdront aucun avantage, quand ils travailleront en régie publique, s'ils le souhaitent.
- Ceci étant, ce n'est pas tout :
- Le délégué syndical CGT Véolia eau est objectivement un allié de la direction de la multinationale : il faut le dire !
- Son argument qui consiste à attendre que le service de l'eau soit nationalisé ne peut nous tromper : c'est une manière de botter en touche
- Personne n'est dupe : à gauche, au sein des partis politiques et des syndicats, la collaboration de classe a beaucoup progressé ces trente dernières années. Il est plus que temps de désigner les responsables, et de les combattre : en premier lieu il s'agit des multinationales, et du patronat. En second lieu, il s'agit de toute la clique des laquais du patronat. Malheureusement, il s'en trouve, en trop grand nombre, dans les rangs de la gauche politique et syndicale.
Un témoignage
Nous reproduisons ci-dessous un témoignage recueilli quelques heures après la manifestation de Lens, le 16 octobre, quelques heures après cette pitoyable distribution de tracts par le délégué CGT de Véolia eau. C'est réconfortant.
Incroyable mais vrai!! À la CGT , on trouve des syndiqués et des responsables pour défendre les multinationales. À quelle condition? C'est simple, il suffit que ce soit "leur entreprise". Ainsi la CGT Véolia organise une campagne pour s'opposer au retour en régie publique concernant la gestion de l'eau. Elle défend ( jusqu'à l'obtention d'un service national de l'eau, semble t-il , c'est à dire dans quelques dizaines d'années au regard des privatisations qui fleurissent chaque jour ) le maintien d'une délégation du service de l'eau à cette major privée tentaculaire qu'est Véolia. ( ceci en acceptant qu'un profit de 15 à 25% soit fait au détriment des usagers même les moins fortunés ) Pourquoi cette attitude incohérente pour un groupe syndical qui se veut de gauche et anticapitaliste? La peur de la perte d'emploi...compréhensible...mais le retour en régie ne changerait pas le statut des personnels et leur réemploi obligatoire est prévu par la loi. La peur de ne pas trouver les mêmes conditions de travail...mais pourquoi un service public ne pourrait-il pas garantir de bonnes conditions de travail à ses employés? ceci d'autant plus que les conventions collectives les concernant seraient inchangées. Des avantages spécifiques à cette entreprise: des heures supplémentaires ...mais est-ce un but pour des militants cégétistes que de remplacer des emplois par des heures sup?...des primes...mais est-ce une pratique acceptable s'il s'agit de faire payer ce salaire supplémentaire par la facture d'eau des usagers? L'image de la France dans le monde...mais des militants cégétistes peuvent-ils trouver honorable pour leur pays que les entreprises locales soient mises à genoux par la politique d'expansion tous azimuths de Véolia? Ces arguments, nous les avons entendus dans la manif où nous étions ensemble pour dire NON aux réformes du gouvernement ultra libéral qui emploie son énergie à enlever les acquis de nos parents et grands parents. N'est-il pas INCOMPREHENSIBLE que des militants qui se croient et se revendiquent de gauche soutiennent ainsi ceux ( les grands patrons, les grands actionnaires internationaux, les adhérents du MEDEF, etc. ) qui financent et influencent les fossoyeurs des valeurs qu'ils sont censés représenter et défendre? Faut-il penser que le capitalisme a déjà gagné en ayant ôté la capacité d'analyse critique aux employés des grandes entreprises privées? À suivre..