Bio et moins cher

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Un article de Christophe Goby, paru dans Politis le 19 juin 2008.

Alors que le coût des denrées flambe, une Amap auvergnate module le prix de ses produits en fonction des revenus des consommateurs. Une expérience qui rencontre du succès mais peine à se développer.

Elle est unique en France. Elle se trouve à Parent, au cœur de l’Auvergne, dans une région où la lutte anti-OGM est des plus pugnaces. Créée il y a deux ans par Patrick Vaudable et Laurent Charles, deux jeunes producteurs, cette Association pour le maintien de l’agriculture paysanne —nommée l’Amap Solidarité— se démarque par son ambition sociale.

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Patrick élève des volailles à Brousse. Laurent, lui, produit de l’huile de tournesol à partir de céréales bios, au milieu de grandes plaines pas vraiment préservées des pesticides, à deux pas d’Issoire. Ils partagent la même volonté de voir des produits de qualité arriver dans les assiettes des plus pauvres. « J’avais envie de livrer uniquement aux Amap », confie Patrick. Installé depuis peu, il apporte le mercredi ses commandes à la nouvelle Amap de Clermont-Ferrand, et livre sa production le jeudi à Parent, village de deux cents âmes, où les clients paient en fonction de leurs revenus. L’Amap Solidarité devait être créée à Vic-le-Comte, à deux kilomètres de Parent, mais l’ancien maire, « un cacique de la FNSEA », n’a pas accepté l’association, qui s’était rapprochée du Mouvement des alternatives de gauche (MAG). Les amapiens se sont donc regroupés dans une autre commune.

Le fonctionnement repose sur la confiance : « Chacun déclare ses revenus, sans contrôle », explique Patrick. Cinq barèmes permettent de régler cette astucieuse machine. Deux niveaux concernent les bas revenus, deux autres les plus hauts, et au milieu le niveau d’ajustement. Succès ou échec, c’est le niveau d’ajustement qui regroupe la majorité des adhérents.

Laurent Titeux se félicite du fait que 25 % des paniers de produits soient destinés aux plus pauvres. Ce militant appartient au GAM, un groupe d’action municipal organisé à Yronde-et-Buron, un village situé non loin de Parent, qui tenta en vain d’intervenir dans la politique agricole de la commune. Lui avait créé, en 1998, une épicerie Internet « avec une ligne bio », qui a coulé.

Patrick est plutôt satisfait du fonctionnement de l’Amap Solidarité. Cette association se paye même le luxe d’être bénéficiaire : « Pas grand-chose, mais un peu plus chaque semaine. Par ces temps de vache maigre, cela compte ! » Comme dans d’autres Amap, système fondé sur un partenariat avec l’agriculteur, le prix des fruits et les légumes n’augmente pas. Installé à Vic-le-Comte, le MAG a lancé cette Amap pour que les plus démunis aient accès au bio. Les militants ont mis un an à monter cette structure pour aujourd’hui faire banquet d’agneaux ou de poissons, qu’une pisciculture de Sauxillanges leur livre. On y commande aussi du pain, des plantes médicinales et l’huile de tournesol de Laurent Charles. Les commandes se font jusqu’à six mois à l’avance, ou la veille.

Comme Patrick, Laurent souhaiterait voir émerger une fédération des Amap en Auvergne, afin d’éviter une éventuelle récupération de l’Amap Solidarité, et espère la mise en place d’une charte. En avril, à Brioude, des Amap venant de Montluçon, ainsi que d’autres en constitution au Puy-en-Velay ont estimé que le système proposé à Parent était le plus accessible aux bas revenus, et chacun a pu constater que l’idée de « laboratoire de démocratie et de lieu de solidarité » en était le ferment essentiel.

Restent les incontournables divergences sur la filière bio. Gérard Blanchard, maraîcher à Valcivières, s’avoue réticent vis-à-vis de la démarche de certaines Amap. Il estime que le bio doit être la norme, a fortiori dans les modes de production, et met en évidence l’utilisation de soja transgénique par certains. Une position que rejoignent quelques producteurs, souvent confrontés aux questions des consommateurs sur leurs pratiques. Certains réagissent, comme Alain Quaglino, de l’Amap d’Ambert, qui n’est pas certifié bio, en interrogeant les consommateurs sur leurs propres démarches.

Le terrain montre ainsi des réalités différentes. L’Amap de Clermont-Ferrand doit chercher des producteurs hors de la ville, ce qui peut sembler contradictoire avec l’esprit d’une production écologique soucieuse de réduire l’impact des transports polluants. Puisque les engagements y sont moins contraignants, l’Amap Solidarité ressemble à un groupement d’achat plus qu’à une Amap.

À Saint-Étienne, le Cabas noir, une structure proche des anarchistes, développe une filière où les consommateurs trouvent une production bio locale et solidaire, mais non certifiée. Autant d’expérimentations sociales et écologiques qui rassemblent producteurs et consommateurs dans un nouveau rapport ville-campagne.

  • Amap Solidarité (ou de la Comté), tous les jeudis de 18 h à 19 h 30, Halle de la bibliothèque à Parent.
  • Contacts : Laurent Titeux, 04 73 69 15 02, Patrick Vaudable, 06 80 55 81 62