Arc-en-ciel Liévin : on ferme ?

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Ainsi que les articles sur le site lievin-infos.com :

• Les cinéphiles refusent le crépuscule annoncé d'Arc-en-Ciel
• "Spectateurs du cinéma Arc-en-Ciel" : déjà 3.000 signatures
• Arc-en-Ciel : fin de saison ou clap de fin définitif ?
• CNC : entre "désinformation" et "fantasmes" : dans cet article, les chiffres avancés par la direction d'Arc-en-Ciel et par sa présidente sont sérieusement remis en question par le CNC. De quoi accentuer le sentiment de malaise : pourquoi veut-on fermer l'activité cinéma, qui connait de plus en plus de spectateurs, et dont la situation financière n'est peut être pas plus mauvaise que par le passé ?

Pas bon pour le moral

La ville de Liévin a de quoi démoraliser plus d'un militant antilibéral, écologiste, objecteur de croissance...

• C'est une ville qui a été abandonnée au Marché. On y trouve une des zones commerciales les plus affreuses de la région, comportant tout ce que le Marché a pu engendrer d'aberrations dans le domaine de la société de consommation, de la mal-bouffe, de la sous-culture, du règne de la bagnole, etc : un hypermarché gigantesque (Carrefour), un discount peu regardant sur les conditions de travail de ses salariés (LIDL), Un MacDo et un Quick, l'un en face de l'autre, un cinéma multiplexe (Pathé).
• De nombreux commerces ont déjà fait les frais de l'implantation de cette zone déshumanisée. Le centre ville de Liévin connait de plus en plus de boutiques vides, attendant vainement un repreneur.
• La zone commerciale est traversée par le boulevard François Mitterrand. C'est une avenue qui est surnommée le boulevard de l'automobile, à la fois parce qu'elle est constamment fréquentée par un flot ininterrompu de voitures (10.000 véhicules / jour), et parce que, sur une distance de quelques centaines de mètres, on y trouve toutes les concessions automobiles, de toutes les marques.
• Les piétons et cyclistes souffrent à Liévin : pour les uns, la traversée du boulevard François Mitterrand est un vrai parcours du combattant, pour les autres, l'absence de pistes cyclables traduit la place qu'on veut bien leur laisser.
• C'est une ville envahie par la publicité, et qui est même l'une des toutes premières à s'être dotée d'un panneau publicitaire en affichage vidéo : Liévin : Publicité = Violence.
• C'est une ville ouvrière, frappée de plein fouet par les difficultés sociales, une ville de gauche, mais dont la municipalité n'a rien trouvé de mieux pour faire reculer la délinquance que de mettre en place un dispositif de vidéosurveillance : Liévin : Non à la vidéosurveillance

Pour soigner son moral

Heureusement, Liévin a des atouts, et notamment l'Arc-en-ciel. C'est un équipement idéalement situé en centre ville, et qui pratique une politique culturelle (musiques, théâtre, cinéma, arts plastiques) de proximité, et de qualité :

• les prix d'entrée sont très bas, et un système d'abonnements permet d'avoir régulièrement des entrées gratuites.
• les établissements scolaires fréquentent régulièrement l'Arc-en-ciel, et bénéficient d'animations de qualité (notamment dans le domaine du cinéma et des arts plastiques.
• le cinéma propose des films de type Art et essai, des films qu'on ne trouve pas au Pathé, des films sous-titrés. Régulièrement, les séances sont suivies de débats, avec des professionnels de la critique, ou des réalisateurs.

Vers la fin du cinéma ?

C'est en tout cas ce qui se dit, depuis le début du mois de juin 2008. Sans aucune concertation, ni avec le public, ni avec les salariés de l'établissement, le Conseil d'Administration aurait pris la décision de fermer l'activité cinéma. C'est évidemment une énorme surprise, à laquelle personne ne s'attendait.

Les motivations ne sont pour l'instant pas clairement connues, notamment du fait que la décision n'est toujours pas diffusée officiellement. On peut imaginer que l'argent fait partie des arguments avancés : l'activité ne serait pas suffisamment rentable. Ben voyons : qu'est-ce que ça veut dire, une activité culturelle rentable ?

Il se dit également que la direction de l'établissement, davantage sensible aux activités musique et concerts, ne verrait pas d'un mauvais oeil le fait de récupérer les salles de cinéma, pour en faire des lieux de répétition de groupes musicaux.

Les premières conséquences

• Tout d'abord, c'est une activité cinéma originale et exigeante qui disparaît. Et ça n'est pas acceptable : le cinéma français est en crise, victime de la mondialisation. Aller au cinéma, en 2008, c'est aller voir une superproduction, la plupart du temps américaine, dans un multiplexe, après avoir tourné en voiture dans un parking immense, et avant de finir la soirée dans un MacDo. L'Arc-en-ciel ce n'est pas ça. L'arc-en-ciel, ce sont des petite salles. On arrive encore à discuter avec d'autres spectateurs, on n'y est pas anonyme. Les débats organisés sont enrichissants, on en ressort un peu plus intelligent.
• L'arc-en-ciel c'est également un cinéma de proximité, fréquenté par l'ensemble des établissements scolaires de la ville. Il parait que, suite à la fermeture du cinéma, c'est le Pathé qui pourrait accueillir les classes d'élèves. Ce serait particulièrement scandaleux : on ferme une activité à caractère public, pour la confier au privé, avec les conséquences que l'on peut facilement imaginer en matière "d'optimisation" de la fréquentation des scolaires.
• Enfin, on ne peut manquer de s'interroger sur les conséquences sociales de la fermeture de l'activité cinéma. À quelle sauce seront mangés les personnels de l'Arc-en-Ciel ? Inévitablement, les mots qui viennent en premier à l'esprit sont licenciements et reclassements.

À plus long terme

Si on laisse fermer l'activité cinéma, si on entérine sans réagir cette fermeture, on peut craindre le pire pour les autres activités de l'équipement. Par exemple, quel sera l'avenir de l'activité arts plastiques, pourtant extrèmement riche, à quelques mois de l'ouverture du Louvre-Lens ? Les mêmes soucis de rentabilité et d'optimisation ne risquent-ils pas de conduire à développer les arts plastiques exclusivement autour du Louvre-Lens ?

Pétition - Mobilisation

• Une association "Spectateurs du cinéma Arc-en-Ciel" se mobilise et met en ligne une pétition
• Prochaine manifestation : lundi 30 juin à 18h30 devant la mairie de Liévin.
• Voir également l'onglet discussion : [[2]]

25 juin : rassemblement durant le Conseil Municipal de Liévin

En photos

Ce conseil municipal fut vraiment un moment extraordinaire

• Une telle mobilisation, dans Liévin, c'est rare. La direction d'Arc-en-Ciel, les élus, devraient pouvoir en déduire que leur façon de faire (une annonce brutale, sans concertation) n'y est sans doute pas pour rien.
• Assister au conseil municipal permet de se faire un certain nombre d'idées sur le fonctionnement de la municipalité : la salle du conseil est organisée en salle de conférence. Sur la tribune, surélevée, on trouve les adjoints. Devant, ce sont les conseillers. C'est tout le contraire d'une salle en rond, au même niveau : ceux qui savent, qui ont préparé en bureau municipal, distribuent la bonne parole aux autres. Pour aller au bout de cette logique, le maire montre que c'est lui le patron : il est installé au centre de la tribune surélevée, et, pour qu'il n'y ait aucun doute, il n'a pas le même fauteuil que les autres. Lui, il a un fauteuil Ministre
• Le décorum est bien rodé : les conseillers et les adjoints s'installent, et le maire arrive bon dernier. Cette fois-ci, il y avait les manifestants (il faut bien dire ce que c'était : une manifestation). Qu'à cela ne tienne : le maire, bon enfant, prend le temps de faire le tour de l'assemblée, pour une séance paternelle de serrage de mains.
• Ensuite, long discours du maire, pour expliquer sa vision du problème :
  • C'est lui qui a permis que l'Arc-en-Ciel soit créé, donc, ce n'est pas sérieux de dire qu'il souhaite la disparition de l'activité cinéma.
  • La ville fait de gros efforts, depuis plusieurs années, mais il y a un fait incontournable : les subventions sont en baisse.
  • Il comprend parfaitement les usagers de l'Arc-en-Ciel. D'ailleurs, il a reçu une délégation de l'association.
  • La ville paye "plein pot" alors que le cinéma est fréquenté par 30% de liévinois et 70% en provenance de Lambersart, La Bassée, Lille...
  • Il s'engage à se mobiliser durant l'été, pour tenter de trouver une solution, en recherchant des subventions par exemple au niveau régional.
• C'est enfin la présidente de l'association des spectateurs de l'Arc-en-Ciel, Valérie Fayt, qui prend la parole (rappelons que l'association a recueilli plus de 3000 signatures, en quelques jours). Elle insiste sur les points suivants :
  • La logique financière ne doit pas l'emporter sur la logique culturelle.
  • Si l'Arc-en-Ciel attire des spectateurs de Lille, La Bassée, Lambersart, etc, c'est la traduction qu'il s'agit d'un équipement unique, et qui compte dans le champs culturel.
  • Sur les aspects financiers, les spectateurs sont prêts à payer plus cher le prix de leur place.
  • La concurrence avec le Pathé est déloyale : le fléchage dans la ville n'indique que le Pathé, le site internet de la ville également.
• Le maire reprend enfin la parole, pour conclure qu'il ne peut évidemment pas s'engager, à quoi que ce soit, sauf à consacrer les mois de juillet-août à rechercher des solutions.

L'ensemble des manifestants quitte alors la salle du conseil, laissant les élus siéger et traiter l'ordre du jour initialement prévu. Globalement, c'est l'insatisfaction qui domine au sein des manifestants. Le maire n'a pas convaincu, même si la promesse de travailler à la recherche d'une solution durant les vacances peut laisser un espoir chez certains.

Relevons, pour terminer plusieurs éléments, que nous retirons de cette fort intéressante soirée

• La municipalité de Liévin, et en premier lieu le maire, ne sont absolument pas habitués à une telle mobilisation de la population, qui plus est sur un sujet qui semblait marginal : la politique culturelle. Une telle mobilisation, publique, en pleine salle du conseil municipal, a avant tout été reçue comme une gifle, par des élus habitués à gérer les affaires en dehors de tout conflit.
• Cela a pu transparaître dans le discours du maire, soit en filigrane, soit plus ouvertement, notamment, quand il s'est piqué de décrire le profil sociologique des spectateurs de l'Arc-en-Ciel : ce ne sont ni des SMICard, ni des RMIstes !. Plusieurs manifestants ont relevé ces propos en parlant de mépris de classe. Un autre a eu cette parole pleine d'à-propos : J'ai personnellement rencontré davantage de smicards ou de rmistes que de député-maire aux séances ciné de l'Arc-en-Ciel !.
• Où est la politique ? Toute confrontation politique est soigneusement évitée. Le maire a évoqué une fois la politique culturelle de la ministre Christine Albanel, mais c'était pour reprocher à l'association des spectateurs de se tourner vers la mairie, et pas contre le ministère ! Dans le cas présent, il nous semble décisif de (re)politiser la question de l'Arc-en-Ciel. En dénonçant le manque de moyens dont dispose la culture, c'est vrai, mais également en s'inscrivant contre la privatisation de la culture par des structures comme le Pathé. Le Pathé, c'est une culture formatée, tirée vers le bas. Le Pathé, c'est le gigantisme, c'est l'usine à films...
• Ou est la gauche, à Liévin ? Les manifestants, durant toute la soirée, n'auront entendu que le maire, longuement, trop longuement. Aucun autre adjoint, aucun autre conseiller n'est intervenu. À Liévin, quand le maire s'exprime, plus personne n'a rien à dire. C'est déjà anormal de la part des élus du Parti Socialiste... mais le Parti Communiste : aux abonnés absents ! Lutte Ouvriére : rien à dire ! Les Verts : pas concernés ! le Pôle de Renaissance Communiste : on laisse dire le maire ! À Liévin, on ne fait pas de politique. Quand il y a un problème, on en parle aux élus, qui transmettent au maire, qui en fait son affaire, seul. Les manifestants du 25 juin bousculent ce petit jeu bien établi. C'est une bonne chose, avant tout pour la vie politique de la ville.