« Un Angrois à la rue (suite) » : différence entre les versions
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'''Est-ce de ce monde-là que nous voulons? Y a-t-il donc des choses plus importantes, plus urgentes, qu'un être humain? Des raisons supérieures qui expliquent qu'un homme soit réduit à l'état de chien errant?''' | '''Est-ce de ce monde-là que nous voulons? Y a-t-il donc des choses plus importantes, plus urgentes, qu'un être humain? Des raisons supérieures qui expliquent qu'un homme soit réduit à l'état de chien errant?''' | ||
Alors, osons répondre à la question : lesquelles? Disons-les, que nous sachions. La question nous offusque? Elle bouscule l'image que nous avons de nous-mêmes, humaniste, solidaire, fraternelle … Belle image, en effet. Mais qui n'empêche pas de laisser un des nôtres sans toit. Comme si sa situation de chien errant lui avait fait perdre son statut d'humain à nos yeux d'humanistes. Ou comme si parler de « notre SDF local » renvoyait à une abstraction non faite de chair et de sang. | Alors, osons répondre à la question : lesquelles? Disons-les, que nous sachions. | ||
La question nous offusque? Elle bouscule l'image que nous avons de nous-mêmes, humaniste, solidaire, fraternelle … Belle image, en effet. Mais qui n'empêche pas de laisser un des nôtres sans toit. Comme si sa situation de chien errant lui avait fait perdre son statut d'humain à nos yeux d'humanistes. Ou comme si parler de « notre SDF local » renvoyait à une abstraction non faite de chair et de sang. |
Version du 28 mars 2010 à 18:32
UN ANGROIS À LA RUE (suite) ou CINQ MOIS PLUS TARD
Novembre 2009
- Une lettre-pétition, adressée aux bailleurs sociaux installés sur la commune, au Maire, au Conseiller Général, au Député, est diffusée auprès de la population. Extraits :
« … Bernard Prévost est un enfant d'Angres. Il a fréquenté l'école du village. Tapé le ballon avec les gamins de son âge. Il est ici chez lui. Il connait (presque) tout le monde. Aujourd'hui, il a 50 ans. Il est sans domicile depuis bientôt 15 ans. Il a rempli un dossier de demande de logement il y a un an. Sans lieu pour se sentir chez soi, où se reposer en toute sécurité, où mettre ses quelques biens à l'abri, l'homme perd une part de son humanité. Pour nous, cela est non-concevable. Le droit à un toit est un droit inaliénable. Aucun homme ne peut être réduit à l'état de chien errant. Accepter cela serait perdre nous-mêmes une part de notre humanité.... »
Décembre 2009
- Le dossier de demande de logement rempli par Bernard en 2008 n'est toujours pas traité. Explications :
« Il manque deux pièces au dossier : un avis des ressources déclarées auprès du service des impôts, et la photocopie d'une pièce d'identité. (…) Non, Bernard n'a pas été sollicité pour compléter le dossier. (…) Oui, Bernard peut faire une demande de carte d'identité … dans les pièces à fournir pour cela, il doit donner un justificatif de domicile … non, ce n'est pas une blague (... ) »
Hiver 2010
- article du JDD mercredi 10 février 2010. Extraits :
« La France doit faire face à une nouvelle vague de froid. La troisième depuis le début de l'hiver. Nouveau coup de froid sur la France. Le troisième depuis le début de l'hiver. Météo France a émis une alerte orange à la neige et au verglas sur le Nord-Pas-de-Calais. Des averses de neige étaient en cours mercredi matin dans cette région. Mais les chutes devraient s'intensifier la nuit prochaine. Des perturbations sont à prévoir dans les transports. Le trafic devrait ainsi être réduit de 20% à Roissy. L'hiver 2010, par son intensité et sa durée, est le plus rigoureux depuis 1987. Une première vague de froid a traversé la France à la mi-décembre, puis en janvier et maintenant en février. A chaque fois, l'air froid vient de Scandinavie. Ce vent glacé accentue l'impression de froid. »
Mars 2010
- Bernard est toujours à la rue. À ceux qui viennent prendre de ses nouvelles, entre deux quintes de toux, il laisse entrevoir sa lassitude. Extraits :
« C'est pas la forme. Pépère, il a pris un coup d'vieux. Il n'a pu pour longtemps. Remarque, j'ai que la rue à traverser, vu que le cimetière est en face .(…) J'ai eu un malaise et les pompiers m'ont emmené. C'est l'coeur qui a lâché. (…) Non, j'ai pas voulu rester à l'hôpital pour être soigné. À quoi ça servirait? »
Durant ces cinq mêmes mois, la vie a continué, à Angres, autour de Bernard.
Les uns ont festoyé, certains se sont mariés, d'autres ont pris leur retraite, des enfants sont nés, les enseignants ont enseigné, les commerçants ont commercé, les directeurs ont dirigé, les candidats/élus ont promis, les humanitaires ont humanisé,les citoyens ont voté,la vie quoi … Normal.
Chacun a vaqué à ses occupations, en s'habituant chaque jour un peu plus à la présence de Bernard dans la rue.
Est-ce de ce monde-là que nous voulons? Y a-t-il donc des choses plus importantes, plus urgentes, qu'un être humain? Des raisons supérieures qui expliquent qu'un homme soit réduit à l'état de chien errant? Alors, osons répondre à la question : lesquelles? Disons-les, que nous sachions.
La question nous offusque? Elle bouscule l'image que nous avons de nous-mêmes, humaniste, solidaire, fraternelle … Belle image, en effet. Mais qui n'empêche pas de laisser un des nôtres sans toit. Comme si sa situation de chien errant lui avait fait perdre son statut d'humain à nos yeux d'humanistes. Ou comme si parler de « notre SDF local » renvoyait à une abstraction non faite de chair et de sang.