Villes uniformes : Différence entre versions
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En septembre dernier, après douze ans de service sous les directions de Pierre Mauroy et Martine Aubry, Jean Louis Subileau a officiellement quitté son poste de président de la SAEM Euralille [1]. Appelé par Daniel Percheron, président du Conseil Régional Nord – Pas de Calais, président d’Euralens, il s’en va conquérir 50 communes autour du triangle Lens, Liévin, Loos-en-Gohelle. Le tout appréhendé comme « métropole » du bassin minier regroupant plus de 500 000 habitant-es. Subileau n’en est pas à son premier « grand projet ». En 1981, il s’occupe déjà des grands travaux mitterrandiens et inaugure son tableau de chasse : la Grande Arche de la Défense, l’Opéra Bastille et le Louvre, puis Euralille qu’il dirigera entre 1998 et 2010. Aujourd’hui, c’est autour d’un autre Louvre qu’il s’agite, celui qui verra bientôt le jour à Lens. | En septembre dernier, après douze ans de service sous les directions de Pierre Mauroy et Martine Aubry, Jean Louis Subileau a officiellement quitté son poste de président de la SAEM Euralille [1]. Appelé par Daniel Percheron, président du Conseil Régional Nord – Pas de Calais, président d’Euralens, il s’en va conquérir 50 communes autour du triangle Lens, Liévin, Loos-en-Gohelle. Le tout appréhendé comme « métropole » du bassin minier regroupant plus de 500 000 habitant-es. Subileau n’en est pas à son premier « grand projet ». En 1981, il s’occupe déjà des grands travaux mitterrandiens et inaugure son tableau de chasse : la Grande Arche de la Défense, l’Opéra Bastille et le Louvre, puis Euralille qu’il dirigera entre 1998 et 2010. Aujourd’hui, c’est autour d’un autre Louvre qu’il s’agite, celui qui verra bientôt le jour à Lens. | ||
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On le sait depuis Lille2004, la « culture » n’arrive jamais seule. Elle trimbale son lot d’investisseurs intéressés et d’élus locaux en manque d’inscription dans l’histoire. En bordure du grand musée, c’est donc un projet urbain d’envergure qui est en préparation : Euralens. Il vise la « mutation » du territoire avec comme argument massue la présence de la « marque » Louvre lui assurant des retombées économiques faramineuses [2]. Lens doit devenir le « corps » de l’Eurorégion en construction – Lille étant sa « capitale ». Mais au delà de l’aspect technique, le projet porte en lui des façons de faire typiques de tous les aménagements urbains d’envergure, cadenassés par une élite au service d’une « bataille inter-urbaine » qu’ils sont seuls à mener. | On le sait depuis Lille2004, la « culture » n’arrive jamais seule. Elle trimbale son lot d’investisseurs intéressés et d’élus locaux en manque d’inscription dans l’histoire. En bordure du grand musée, c’est donc un projet urbain d’envergure qui est en préparation : Euralens. Il vise la « mutation » du territoire avec comme argument massue la présence de la « marque » Louvre lui assurant des retombées économiques faramineuses [2]. Lens doit devenir le « corps » de l’Eurorégion en construction – Lille étant sa « capitale ». Mais au delà de l’aspect technique, le projet porte en lui des façons de faire typiques de tous les aménagements urbains d’envergure, cadenassés par une élite au service d’une « bataille inter-urbaine » qu’ils sont seuls à mener. |
Version actuelle datée du 10 janvier 2012 à 22:08
- Un article paru dans la brique n°26 (mars-avril 2011)
- Article consultable sur le site du journal
- Nous reproduisons cet article ci-dessous.
Villes uniformes
Dans toute l’Europe, les anciennes métropoles industrielles se refont une beauté sur les nouveaux marchés à la mode que sont la culture, l’écologie, le tourisme, etc. Sans imagination, elles font appel aux mêmes urbanistes/architectes qui, de surcroît, se copient entre eux. Il y a quelques semaines, Jean-Louis Subileau, ancien directeur de la société Euralille, est parti fonder... Euralens. On n’en rigole même plus...
En septembre dernier, après douze ans de service sous les directions de Pierre Mauroy et Martine Aubry, Jean Louis Subileau a officiellement quitté son poste de président de la SAEM Euralille [1]. Appelé par Daniel Percheron, président du Conseil Régional Nord – Pas de Calais, président d’Euralens, il s’en va conquérir 50 communes autour du triangle Lens, Liévin, Loos-en-Gohelle. Le tout appréhendé comme « métropole » du bassin minier regroupant plus de 500 000 habitant-es. Subileau n’en est pas à son premier « grand projet ». En 1981, il s’occupe déjà des grands travaux mitterrandiens et inaugure son tableau de chasse : la Grande Arche de la Défense, l’Opéra Bastille et le Louvre, puis Euralille qu’il dirigera entre 1998 et 2010. Aujourd’hui, c’est autour d’un autre Louvre qu’il s’agite, celui qui verra bientôt le jour à Lens.
On le sait depuis Lille2004, la « culture » n’arrive jamais seule. Elle trimbale son lot d’investisseurs intéressés et d’élus locaux en manque d’inscription dans l’histoire. En bordure du grand musée, c’est donc un projet urbain d’envergure qui est en préparation : Euralens. Il vise la « mutation » du territoire avec comme argument massue la présence de la « marque » Louvre lui assurant des retombées économiques faramineuses [2]. Lens doit devenir le « corps » de l’Eurorégion en construction – Lille étant sa « capitale ». Mais au delà de l’aspect technique, le projet porte en lui des façons de faire typiques de tous les aménagements urbains d’envergure, cadenassés par une élite au service d’une « bataille inter-urbaine » qu’ils sont seuls à mener.
Ctrl-C ; Ctrl-V
L’urbanisme moderne, c’est du « copier-coller » : si une technique fonctionne à un bout de l’Europe elle refera surface, ailleurs, sous une forme à peine retouchée. Dans la veine « quartier durable », c’est Fribourg qui se voit pompée à toutes les sauces et dans tout le continent. Mais pour Euralens, le mastodonte est « culturel ». Le must, c’est alors « l’effet Bilbao » en référence à l’implantation du Musée Guggenheim [3]. Pour cela Subileau et Percheron se sont offert les services des urbanistes espagnols. Pablo Otaola qui a dirigé le projet urbain autour du musée est catégorique : « Au départ, Bilbao était une ville moche, industrielle, sans intérêt. À première vue, Lens m’a donné une image très forte [sic], avec les houillères notamment. » Le consultant a des intuitions qui ne trompent pas : « Lens aura ainsi quelque chose de différent de Paris à offrir. Chaque touriste cherche l’exclusivité, l’originalité. [...] On peut par exemple proposer un hôtel dans les cités minières [re-sic], des visites des houillères... Les touristes peuvent trouver cela très intéressant. » [4] Parce qu’à Lens comme ailleurs, c’est effectivement le touriste qu’il s’agit d’attirer. Lens copie également sa cousine lilloise. « L’arrivée du Louvre à Lens et ses 700 000 visiteurs attendus chaque année constitue pour les investisseurs la possibilité de créer un nouveau quartier d’affaires. C’est autour de sa gare TGV que Lens espère créer des emplois tertiaires pour dynamiser son économie. » [5] Une énième course aux grands équipements est lancée ! En ligne de mire cette fois, les grand sièges sociaux et leurs cols blancs. « L’essentiel, pour les responsables politiques, élus locaux en tête, est de donner la priorité aux réalisations qui attirent les « décideurs », banquiers et patrons de firmes, ainsi que leurs servants : ingénieurs, chercheurs, universitaires de haut rang, la « matière grise », comme ils disent. Il faut donc aussi des bâtiments emblématiques, monumentaux, images de marque de la « métropole » […]. » [6]
Fais tourner...
Le petit monde de l’urbanisme fonctionne en vase clos. Ainsi, on assiste à un véritable jeu de chaises musicales au niveau des postes de commande dans ces nouveaux quartiers. Résumons : Subileau quitte Eurallille pour Euralens. C’est Laurent Théry, artificier de l’île de Nantes [7] qui prend la tête de la SAEM Euralille. A Lens, Subileau retrouvera Christian de Portzamparc qui a – entres autres – réalisé la tour du Crédit Lyonnais d’Euralille ainsi que le projet du Tripode sur l’île de Nantes. On parle ici des « seconds couteaux » mais la logique est la même partout dans le monde. L’important est d’arborer du clinquant, des grands noms. Ce sont des hommes principalement. « Urbanistes », « architectes », « aménageurs »... Leur mission : dessiner les centres-villes des plus importantes métropoles mondiales. En un coup de crayon, ils fixent l’environnement urbain de millions de citadins. Parmi eux, les super-stars – millionnaires – de l’architecture mondiale qui rivalisent en gigantisme aux quatre coins de la planète : Jean Nouvel, Rem Koolhaas, Christian de Portzamparc... Mais aussi les managers qui chapeautent les visions d’ensemble de ces quartiers et invitent tout ce beau monde à se tailler une part toujours plus grande du gâteau. Qu’ils s’étouffent avec.
Notes
[1] Société Anonyme d’Économie Mixte. La Société, mi-privée, mi-publique, qui gère le devenir du quartier. Voir La Brique n°5.
[2] C’est 700 000 touristes qui sont attendus la première année, puis 500 000 par la suite. Pour une présentation publicitaire – mais néanmoins plus détaillée qu’ici – du projet, voir : http://www.missionbassinminier.org.
[3] Un méga-projet qui a permis le « renouveau économique » de la cité basque. Traduire : le remodelage de l’ensemble des berges de la ville et la destruction d’un quartier populaire.
[4] La Voix du Nord, 15/02/2010.
[5] Blog du projet Louvre-Lens : http://louvrelens.free.fr/.
[6] Jean-Pierre Garnier, interviewé dans le – très bon – supplément urbain du numéro de janvier-février de CQFD.
[7] Autre grand projet urbanistique de remodelage clinquant d’anciens espaces industriels, portuaire en l’occurrence.